Congrès international de toutes les Médiations : #Mediations2020

Congrès Médiation 2020
Les 5, 6 et 7 février 2020 se tenait à Angers le Congrès international de toutes les Médiations (#Mediation2020), organisé par l’Association des Médiateurs des Collectivités Territoriales et son Président Hervé Carré, Destination Angers et co-organisé par le collectif Mediation 21, le Forum de Sindics i Sindiques Défendors i Defendores Locals de Catalunya (association qui regroupe les médiateurs locaux de Catalogne), le Réseau National d’Accès au Droit et à la Médiation, l’Association des Conciliateurs de Justice, la Fédération des Centres de Médiation du Grand Ouest, la Ville d’Angers et le Conseil Départemental du Maine-et-Loire.

C’était l’occasion d’échanges fructueux entre médiateurs français et étrangers, facilitant la compréhension entre toutes les formes de médiation existantes dans le monde, et qui sont un formidable levier du mieux vivre ensemble. La diversité des interventions et des ateliers exposés durant ces 3 jours démontre la force de toutes les formes de médiation : elle se généralise dans tous les domaines et constitue un facteur de paix sociale. Ainsi étaient représentées :

  • la médiation dans les collectivités territoriales,
  • celle au sein des organisations,
  • la médiation familiale,
  • la médiation entre entreprises,
  • la médiation restaurative et réparatrice,
  • la médiation de la consommation,
  • la médiation institutionnelle,
  • la médiation judiciaire,
  • la médiation interculturelle,
  • la médiation citoyenne,
  • la médiation internationale, …

La Médiation du Groupe ENGIE a été sollicité pour intervenir dans l’atelier « Médiation de la consommation ». Rappelons que son Médiateur exerce 2 types de fonctions : Médiateur de la consommation pour le Groupe ENGIE, et Médiateur pour des litiges entre 2 entreprises (dont l’une au moins est une direction du Groupe ENGIE). La connaissance de ces 2 métiers est un plus pour l’exercice des médiations. leMédiateur a par ailleurs suivi des formations initiales sur ces 2 médiations (à l’IGPDE pour la médiation de la consommation, et au CNAM pour la médiation « conventionnelle » dans l’institution et participe régulièrement des formations continues sur ces 2 pratiques.

La table ronde Médiation de la consommation avait pour thème « La médiation de la consommation : de la spécificité à l’exemplarité ». Elle était animée par Madame Sabine Bernheim-Desvaux, Vice-doyen en charge des relations avec les milieux professionnels, Maître de conférences, HDR de droit privé, à la Faculté de droit, d’économie, de gestion de l’Université d’Angers.

L’objectif de cet atelier était de rappeler les principales spécificités de cette médiation, et d’en tirer un premier bilan après quatre années d’existence, en croisant différents regards. A savoir :

  • Mme Christine Baratelli, Directrice de mission au sein de la Direction « Droit de l’Entreprise » du MEDEF. Elle est également membre de la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation (CECMC). Mme Baratelli a partagé le point de vue des professionnels qui ont l’obligation de proposer à leurs clients un dispositif de médiation de la consommation agréé par la France et l’Europe,
  • Mme Camille Bertrand, juriste sénior au Centre européen des consommateurs France,
  • M. Joachim Muller, Busines Development Manager au sein du département Formation et Conseil du Centre for Effective Dispute Resolution au Royaume Uni, a pu présenter son expérience anglo-saxonne sur les pratiques de médiations de la consommation,
  • Et M. Jean-Pierre Hervé, Médiateur de la consommation pour le Groupe ENGIE.

L’atelier s’est déroulé en 3 points :

  • Les spécificités de la médiation de la consommation,
  • L’état des lieux des atouts du dispositif français,
  • L’état des lieux des points à améliorer du dispositif français.

Concernant le 1er point, il a été rappelé que la médiation de la consommation est un mode de règlement amiable des litiges d’origine européenne, mis en place dans l’ensemble des Etats membres depuis le 1er janvier 2016. L’objectif de l’Union européenne (UE) est de créer les conditions d’une meilleure confiance des consommateurs dans le marché commun. La médiation de la consommation concerne tous les litiges de consommation opposant un professionnel à un consommateur, quel que soit le secteur économique, la nature, le montant du différend.

Le cadre réglementaire de la médiation de la consommation est pour l’essentiel défini à travers une Directive du 21 mai 2013. C’est un texte d’harmonisation minimale au sein de l’UE, qui précise le statut du médiateur, le processus de médiation, et le dispositif d’évaluation et de contrôle associé. Ce cadre constitue le code déontologique a minima de la médiation de la consommation, et a pour objectif de définir des critères pour mettre en place une médiation de « qualité ».

Ce cadre récemment mis en place est en fait d’une grande modernité car adapté à notre société actuelle : il définit par exemple les critères d’indépendance du médiateur agréé, pour permettre à tout consommateur d’avoir a priori confiance dans ce dispositif gratuit, ouvert à tous les consommateurs. Et dans la société actuelle, en perte de repère, la confiance ne peut être apportée que par un organe tiers : pour la France, c’est une Commission d’Etat (la CECMC) qui a la responsabilité d’agréer les médiations de la consommation : il n’y a pas d’auto déclaration de son indépendance. Cela évite ainsi tout procès fait à un médiateur sur son indépendance, grâce à la définition d’un statut clair, et une Commission de contrôle pour l’apprécier. Reste naturellement que l’indépendance, dans son comportement de tous les jours, se conquiert.

Depuis la mise en place de cette Directive, un rapport de la Commission européenne (du 25 septembre 2019) indiquait la mise en place de 460 entités de règlement extrajudiciaire des Litiges de la consommation en Europe. Les principaux points communs de ces structures :

  • Le caractère exclusivement amiable de résolution des litiges des systèmes de médiations agréés,
  • La gratuité pour le consommateur (certains pays indiqueraient un coût d’entrée « symbolique » ? ),
  • Une médiation dont le médiateur est aussi une force de proposition de solution (si les parties ne trouvent pas seules l’accord). Cette caractéristique résulte d’un des éléments essentielles de la médiation de la consommation : l’asymétrie de la relation entre les médiés, à savoir un consommateur contre une entreprise / une institution,
  • La mise en place d’au moins une entité de « régulation », qui évalue, agréée, et contrôle les médiateurs de la consommation.

Il a été exposé la diversité des pratiques, démontrant la non volonté d’harmonisation de celles-ci, pour permettre de garder les spécificités culturelles de chaque état membre (via le principe de subsidiarité), à savoir par exemple, selon les pays :

  • Obligation ou pas de rentrer en médiation,
  • Un pouvoir contraignant ou non donné aux médiateurs,
  • Une liste ouverte ou non de médiateurs,
  • Un exigence de diplômes pour les médiateurs,
  • Un principe de confidentialité appliqué ou non,
  • L’existence d’un médiateur résiduel, pour les secteurs « non couverts),
  • Une ou plusieurs autorités de contrôle …

La diversité se retrouve aussi dans le nombre de médiateurs agréés par pays. En prenant les exemples extrêmes, pour la France, c’est 94 médiations agréés début 2020, et une seule en Roumanie. « C’est une vraie force pour la généralisation de la médiation en France : les médiations sont ainsi plus proches des différents secteurs, gages d’efficacité » (Médiateur de la consommation pour le Groupe ENGIE).

Les principes généraux de la médiation de la consommation en France, en font des atouts, clés de succès :

  • Des obligations d’information par le professionnel,
  • Une démarche volontaire des parties au litige,
  • Un pouvoir non contraignant du médiateur, et qui propose une solution a la fin du processus de médiation, en droit et en équité, du fait, comme déjà indiqué, de l’asymétrie de la relation,
  • Le principe strict de confidentialité inscrit dans la loi (article 1531 du code de procédure civile) : et donc pas de « named and shamed » réalisé par un médiateur agréé,
  • La suspension de la prescription pendant le processus de médiation. La liberté des parties à pouvoir poursuivre ensuite devant la justice est ainsi préservée.
  • Un encadrement par des critères communs exigeants de « qualité » : indépendance, impartialité, compétences, et une évaluation et un contrôle réguliers,
  • Une transparence de la démarche : le médiateur publie un rapport annuel d’activité, et informe sur son processus via un site internet indépendant
  • La gratuité pour le consommateur, pour permettre l’accès à tous à la médiation de la consommation. Le risque associé étant le volume important de saisines et de médiation, quand on compare en particulier avec la médiation conventionnelle. Par exemple, pour les médiateurs de la consommation membres du Club des Médiateurs de Services au Public, c’est plus de 120 000 saisines en 2019, et 49 000 éligibles traitées en médiation,
  • La rapidité du processus : les médiations doivent être traitées sauf cas complexes en moins de 90 jours,
  • Et enfin la possibilité fait au médiateur de la consommation de proposer des recommandations génériques de progrès aux professionnels pour éviter des situations récurrentes : c’est une des forces de la médiation indépendante dite d’entreprise.

Le Médiateur de la consommation pour le Groupe ENGIE a également rappelé que ce cadre offre de grande liberté dans le processus de médiation. Outre les garanties qu’il apporte aux médiés, la Médiation pour le Groupe ENGIE a à cœur de mettre systématiquement en place dans son processus les 2 facteurs qui fondent la réussite des médiations :

  • la proximité (chaque requérant est contacté par téléphone pour l’écouter, comprendre sa problématique au-delà de la dimension technique du sujet, et nous permet d’entendre le « cri du monde » : il faut donner la parole aux personnes en conflit
  • la responsabilisation des médiés, et en particulier des consommateurs qui nous saisissent. Par l’écoute, puis par le questionnement pour aller vers l’intelligence de l’autre. On questionne pour que les personnes se questionnent.

Grâce à cela, l’efficacité de la médiation s’en trouve renforcée : le taux d’acceptation des propositions de solutions des médiations est de plus de 90 % pour la Médiation de la consommation pour le Groupe ENGIE. Et le taux de mise en œuvre qui suit est de 100 %.

Concernant les points d’amélioration, sans pour autant être exhaustif :

  • Les volumes des saisines peuvent être importants : il est essentiel d’avoir un process de traitement de l’éligibilité efficace et rigoureux. La médiation de la consommation doit rester une alternative à la justice, pas aux réclamations.
  • Le médiateur peut-il évoquer d’office un sujet non soulevé par le demandeur (comme une clause abusive détectée) : pour la Médiation de la consommation pour le Groupe ENGIE, la réponse est oui, comme pour un juge.
  • La généralisation de la médiation en France ne doit pas perdre pour autant les consommateurs ou les citoyens : il convient de veiller à ce que les compétences des médiateurs soient clairement indiquées, comme les exclusions de compétences.
  • Concernant les médiations judiciaires, lorsqu’aucune tentative préalable de règlement amiable n’a été tentée par les parties, un professionnel et un consommateur, le juge devrait orienter les parties vers le médiateur de la consommation désigné par le professionnel : cela n’apparaît pas clairement dans le cadre Justice XXI siècle.

Ce congrès, premier du genre en France, a été l’occasion d’un partage large et riche entre les professionnels de la médiation. Il a été constaté que ce terme de « médiation » regroupe des formes et pratiques très variées en France et dans le monde : il faut considérer cette diversité comme une force, qui contribuera à la généralisation de la médiation à « tous les étages ».