La prescription à l’épreuve de la limitation de facturation dans le domaine de l’énergie

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« A la différence de la prescription qui vaut pour l’avenir, la limitation de facturation, elle, vaut pour le passé »

Lors d’une procédure de médiation de la consommation, certains dossiers peuvent présenter les caractéristiques d’une prescription. La notion de prescription peut être confondue avec la notion de limitation de facturation, toutes deux réglementées par le code de la consommation. Cet article permet ainsi de comprendre et de délimiter ces deux notions.

Qu’est-ce que la prescription ?

La notion de prescription encadre le délai durant lequel une personne peut exercer un droit. Elle pourra en faire usage dans le délai légalement prévu, puisqu’à la fin de ce dernier, son droit sera considéré comme éteint. Ainsi, passé ce délai, le bénéficiaire de ce droit ne pourra plus l’invoquer.
L’intérêt de la prescription réside dans le fait de limiter l’insécurité juridique créée par le temps qui passe. Une personne ne peut user de ce droit de manière illimitée dans le temps, au risque de créer une situation d’inégalité.

Quelques points de droit

L’article 2224 du code civil, émanant de la loi du 17 juin 2008, fixe le délai de prescription de droit commun à 5 ans.

Toutefois, certains délais spécifiques demeurent :

L’article L.218-2 du code de la consommation énonce que pour les actions des professionnels pour les biens ou services fournis aux consommateurs, la durée de la prescription est fixée à 2 ans.

Par exemple, dans le cas d’une facture d’énergie pour un particulier, c’est bien le code de la consommation, et donc le délai de prescription de deux ans qui s’applique.

Concernant le point de départ du délai de prescription, celui-ci court à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Un exemple : si une facture est émise le 4 janvier 2020, le fournisseur a jusqu’au 4 janvier 2022 inclus pour la recouvrer.

Attention

La Cour de cassation a jugé en 2017 que le point de départ du délai de prescription, commençait à courir au jour de l’établissement de la facture. Au regard de cette décision, cela laisse à croire que le fournisseur d’énergie serait en droit d’établir une facture de consommations quand bon lui semble, sans que la prescription ne lui soit opposable.

Mais cette décision est à nuancer au regard de la limitation de facturation. Cette notion protectrice du consommateur est souvent confondue avec la prescription et elle sera appréhendée plus bas au cours de cet article.

En effet, bien que le point de départ de la prescription commence à courir qu’au jour de l’établissement de la facture par le fournisseur, il n’en demeure pas moins que le fournisseur n’a aucunement le droit de facturer des consommations datant de plus de 14 mois avant la date de la dernière relève réelle.  

Un exemple pour bien comprendre : le 1er janvier 2021 je reçois une facture d’électricité qui prend en considération mes consommations depuis le 1er janvier 2018.

Cette facture prend en considération 3 ans de consommations.

Or, bien que je ne puisse pas lui opposer la prescription puisque le délai de la prescription de 2 ans commence à courir qu’au jour de l’établissement de la facture, soit le 1er janvier 2021 dans cet exemple, je peux opposer à mon fournisseur l’impossibilité de me facturer plus de 14 mois avant la date de la dernière relève réelle.

Ainsi, les consommations comprises entre le 1er janvier 2018 et le 1er novembre 2019, ne sont plus facturables.

Enfin, il peut y avoir des cas de suspension de la prescription. Le délai peut ainsi être suspendu durant un certain temps, et reprendre son cours dès la fin de l’évènement suspensif.

Un exemple : lors d’une procédure de Médiation, la prescription est suspendue dès la date d’entrée du dossier en Médiation et reprend son cours, dès la clôture du dossier par la Médiation, selon l’article 2238 du code civil. Toutefois, pour cette procédure, la particularité veut que le délai à l’issue du règlement du litige reparte pour une durée minimale de 6 mois.

Un autre exemple : Si une facture est émise le 4 janvier 2020 et que le client entre en médiation le 4 octobre 2021, la prescription est suspendue à cette date. Dans l’hypothèse où la médiation est clôturée le 31 décembre 2021, la prescription courra jusqu’au 30 juin 2021, laissant ainsi 6 mois de prescription supplémentaires.

Qu’est ce que la limitation de facturation ?

Comme pour la notion de prescription, la limitation de facturation concerne plusieurs litiges soumis à la Médiation. A la différence de la prescription qui vaut pour l’avenir, la limitation de facturation, elle, vaut pour le passé.
Ainsi, la notion de limitation de facturation, que l’on peut également appeler « redressement » ou « régularisation », consiste à remonter dans le temps, dans une certaine limite, pour réclamer des sommes dues sur la période concernée.
Dans le cadre de consommations d’énergie, il s’agira de remonter à plusieurs mois en arrière, pour facturer les consommations du client, tout en respectant une limitation réglementée.

Quelques points de droit

C’est par l’article L.224-11 du code de la consommation que cette limitation est encadrée, depuis l’entrée en vigueur de la loi de transition énergétique.

Cet article dispose que : « Le fournisseur d’électricité ou de gaz naturel facture, au moins une fois par an, en fonction de l’énergie consommée.

Aucune consommation d’électricité ou de gaz naturel antérieure de plus de quatorze mois au dernier relevé ou auto relevé ne peut être facturée, sauf en cas de défaut d’accès au compteur, d’absence de transmission par le consommateur d’un index relatif à sa consommation réelle, après un courrier adressé au client par le gestionnaire de réseau par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou de fraude ».

Pour faire simple, le fournisseur d’énergie doit facturer ses clients au moins une fois par an, en fonction de l’énergie consommée.

La loi de Transition Energétique fait entrer dans son champ d’application les consommations d’énergie, à savoir le gaz naturel ou l’électricité et ne s’applique qu’aux consommateurs ou non-professionnels.

Toutefois, si certaines consommations venaient à ne pas être facturées pour plusieurs raisons possibles (exemple : un problème de compteur entraînant une absence de relève, ou une omission de facturation), le fournisseur ne pourra pas régulariser sa facturation sans limite de temps.

En application de l’article L. 224-11 du code de la consommation, seuls les 14 mois précédant le dernier relevé ou auto relevé pourront être facturés. Au-delà de ces 14 mois, les consommations ne peuvent plus être facturées.

Un exemple : si votre fournisseur vous facture le 1er mars 2021, des consommations correspondant à la période du 1er septembre au 1er décembre 2018, avec pour dernière relève réelle en date du 25 février 2021 : alors vous pourrez lui opposer l’application de la loi de transition énergétique afin de lui rappeler que ces consommations ne sont plus facturables.

Quelles sont les conséquences de ces deux notions en procédure de Médiation ?

Lors de l’entrée d’un dossier en Médiation, il convient de toujours vérifier ces deux notions. Que ce soit pour la prescription ou pour la limitation de facturation, les dates du litige et des factures ont une réelle importance. Ainsi, la Médiation s’assurera toujours de la bonne application du droit pour que les consommations facturées soient dûment réglées par le requérant et non, indûment réclamées par le fournisseur.