On m’a régularisé des consommations passées, est-ce normal ? (estimation, redressement, prescription…)

Dans le domaine de l’énergie, la réglementation prend en compte le fait que le distributeur puisse ne pas se rendre compte immédiatement d’un dysfonctionnement (par exemple, il ne relève un compteur que tous les 6 mois).

Pour cette raison, la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte dite « Loi de Transition Energétique » ou LTE du 17 août 2015 , codifiée pour ce qui nous intéresse à l’article L.224-11 du code de la consommation, permet au fournisseur de rectifier la facturation et de faire une régularisation des consommations sur la période des 14 mois antérieurs à la date de la dernière relève réelle de l’index. Les dispositions de la loi ne sont entrées en vigueur que le 18 août 2016, elle n’est donc pas applicable avant cette date.

La limite de redressement de consommation posée par la LTE ne trouve néanmoins pas à s’appliquer :

  • en cas de défaut d’accès au compteur, d’absence de transmission par le consommateur d’un auto-relevé malgré une demande effectuée par GRDF ou ENEDIS par LRAR
  • en cas de fraude

De plus, les reports de soldes ne sont pas concernés car seules les consommations facturées pour la première fois sont visées par l’article L. 224-11 du code de la consommation.

Les redressements sont possibles dans plusieurs situations, comme par exemple le dysfonctionnement d’un compteur ou du téléreport (ou de son concentrateur), le dysfonctionnement (en électricité) du relais qui permet de passer des heures pleines aux heures creuses, ou encore l’absence de relève.

La plupart du temps, cette absence de relevé de compteur s’explique par le fait que le compteur n’est pas rendu accessible par le client lors du passage des techniciens releveurs.

Le fournisseur facture alors, pendant cette période, une estimation de vos consommations calculées soit par le distributeur (si dysfonctionnement de compteur) soit par le fournisseur en cas d’absence de relève donnée par le distributeur.

Pour les redressements réalisés par le distributeur d’énergie, GRDF en gaz et ENEDIS en électricité, les estimations sont réalisées de manière un peu différente selon l’énergie.

 

1. Le redressement en gaz

 

Redressement suite à un dysfonctionnement du compteur

Pour les clients consommateurs ou non-professionnels, le redressement ne peut excéder, en application de la LTE, les quatorze mois antérieurs à la date de la dernière relève d’index .

Pour les clients professionnels, les dispositions de la LTE ne s’appliquent pas et le redressement est possible sur une période inférieure ou égale à 5 ans.

Le distributeur GRDF procède toujours de la même façon :

  • Il prend en compte une période antérieure ou postérieure au problème détecté en fonction de l’historique disponible. La période utilisée varie donc selon les cas. Par exemple, si le client a un contrat gaz depuis 2009 et que son compteur a dysfonctionné de 2016 à 2018, GRDF va prendre les consommations réelles de 2009 à 2016, s’il possède ces informations.
  • Il calcule ensuite le nombre de jours de cette période. Pour information, GRDF considère qu’une année compte 360 jours et chaque mois compte 30 jours. Cela lui permet de calculer la consommation totale sur la période de référence prise (dans l’exemple de 2009 à 2016). Il obtient ainsi une consommation journalière moyenne sur la période de référence.
  • Ensuite, il applique cette consommation journalière moyenne à la période pendant laquelle le compteur a dysfonctionné. Par exemple, si de 2009 à 2012, le client consommait en moyenne 10 m3 par jour, alors, le distributeur multiplie ces 10 m3 par le nombre de jours pendant lesquels le compteur a dysfonctionné. Il obtient ainsi la consommation qui aurait dû être facturée au client pendant cette période.
  • Dans la mesure où toutes les années ne se ressemblent pas et que ce calcul repose sur des estimations des consommations, le distributeur GRDF retranche systématiquement 10 % à la consommation qu’il obtient dans l’opération détaillée ci-dessus.
  • Ensuite, il annule les consommations éventuellement facturées pendant la période de dysfonctionnement, dans la mesure où celles-ci sont nécessairement erronées. Le montant restant correspond donc au montant du redressement à facturer au client.
  • Ce redressement est, la plupart du temps, envoyé au client par courrier sous forme d’une proposition. Le client a alors deux semaines pour notifier son accord ou son refus de cette proposition. Si le client accepte ou s’il ne répond pas, le redressement est envoyé au fournisseur qui envoie ensuite une facture corrigée au client. Si le client refuse, une négociation est réalisée avec  le distributeur GRDF (dans le meilleur des cas) puis, un redressement est envoyé au fournisseur. C’est souvent parce que la négociation n’a pas aboutie que le client sollicite le Médiateur de la consommation pour le Groupe ENGIE.

Dans certains cas, ou dans certaines régions, il se peut que le distributeur GRDF n’envoie pas de proposition au client, mais directement une correction de consommation au fournisseur qui génère, dans la foulée, une facture corrigée. C’est souvent cette facture qui intrigue le client car elle est rarement accompagnée d’information, quand bien même elle serait légitime.

Il arrive que GRDF accepte de modifier son calcul initial. C’est le cas lorsque le consommateur prouve que, pendant la période de dysfonctionnement, son usage n’était pas semblable à la période prise comme référence. Par exemple, imaginons une personne qui vivait à temps plein dans sa maison de 2009 à 2016 et qui la transforme ensuite en résidence secondaire pour ne plus y habiter que l’été : les consommations de gaz seront forcément moindres (notamment si le client se chauffait précédemment au gaz). GRDF calculera alors la consommation journalière moyenne et/ou le nombre de jours concernés par le redressement à effectuer selon une autre formule d’évaluation.

Nous vous recommandons de solliciter votre fournisseur pour qu’il vous envoie des explications concernant le calcul de votre redressement.

 

Redressement suite à un index estimé

Si le distributeur ou le fournisseur procède à une estimation d’index, la régularisation des consommations facturées aura lieu lors de la relève suivante. Ainsi le redressement effectué en cas d’index estimé constitue une régularisation de vos consommations basées sur un index réel, relevé par le distributeur.

Si aucune relève ne peut être effectuée durant une longue période et que les index sont donc estimés, les dispositions de la LTE peuvent selon les cas s’appliquer au moment du redressement sur la base d’un index réel.

 

2. Le redressement en électricité

Le distributeur d’électricité, ENEDIS, a une méthode un peu différente de celle de GRDF pour calculer la consommation moyenne de référence. La plupart du temps, en se fondant sur la puissance souscrite par le client, il se fonde sur des consommations de référence pour des logements aux caractéristiques identiques (c’est-à-dire d’autres logements ayant la même puissance souscrite que celle du client dont le compteur a dysfonctionné). Cette méthode peut être à l’origine de la contestation des clients, notamment ceux qui estiment que leurs consommations sont inférieures à cette référence. La Médiation en tiendra compte si le requérant en apporte la preuve.

Un autre type de redressement est spécifique à l’électricité, c’est celui qui est lié au dysfonctionnement du relais qui permet (lorsque le client dispose de cette offre dans son contrat) la différenciation entre les  heures pleines et les heures creuses. En effet, dans ce cas, toutes les consommations ont été affectées en heures pleines (la plupart du temps) ou en heures creuses. Il s’agit alors de redresser la consommation facturée afin de réaffecter les bonnes consommations aux bonnes heures. Dans ce cas, ENEDIS s’appuie également sur une référence (de manière quasi systématique), indépendamment de l’historique personnel du client. Il est considéré que les heures creuses représentent 32,68 % des consommations totales. Un simple calcul est donc effectué pour calculer ce redressement.

Pour les clients consommateurs ou non professionnels, la LTE s’applique également et le redressement ne peut porter sur une période de plus de 14 mois comptabilisée à rebours du dernier relevé d’index.

Que ce soit pour le gaz ou pour l’électricité, les procédures de redressement détaillées ci-dessus ont été approuvées par la Commission de Régulation de l’Energie.

 

3. Distinction entre prescription et redressement

Attention, la période de redressement des consommations sur une durée maximale de 14 mois ne doit pas être confondue avec la période de prescription de 2 ans :

 

Le redressement consiste en la détermination d’un droit

Il s’agit de définir son contenu, à savoir quel était le volume de consommations dû sur une certaine période. On se situe donc sur l’objet de la créance, sa détermination, et non pas sur le temps pendant lequel cette créance peut être réclamée.

 

La prescription est le délai durant lequel une personne peut exercer un droit

L’article L.218-2 du Code de la consommation dispose que : « ce délai est de deux ans pour l’action initié par un professionnel à l’égard d’un consommateur (article L.218-2 Code de la consommation : « L’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans »).

L’action ouverte par un consommateur à l’encontre d’un professionnel se prescrit par cinq ans.

La prescription joue systématiquement pour le futur à partir d’un point de départ qui « se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer l’action concernée » (article 2224 du Code civil).

La prescription porte donc bien sur une période postérieure à la survenance ou la découverte d’un fait. Le redressement, à l’inverse, porte sur une période antérieure de 14 mois à dont le point de départ est le dernier relevé d’index.

Autrement dit, si au 1er janvier 2020 le fournisseur reçoit une relève réelle lui permettant d’effectuer un redressement :

  • en application de la LTE : il ne pourra prendre en compte que les consommations postérieures au 1er novembre 2019
  • et en application des règles de prescription : il ne pourra réclamer les sommes ainsi calculées que jusqu’au 1er janvier 2022 (sous réserve de l’absence d’une relève réelle entre temps qui décalera alors le calcul sur la base de la relève réelle du 1er janvier 2020)

La difficulté dans l’application de la prescription réside, en général, dans la détermination du moment où le « titulaire du droit aurait dû connaître les lui permettant d’exercer l’action» dès lors que la date supposée de découverte du droit est sujette à débat et/ou est différente de celle à laquelle le titulaire l’a exercé.

La date supposée de découverte du droit signifie que la partie aurait dû avoir connaissance de son droit si elle avait adopté les mesures nécessaires et suffisantes qu’une personne diligente aurait prises dans une situation similaire.

Les compteurs communiquant, permettant une facturation plus fiable et plus régulière, permettront, une fois la mise en service généralisée, de limiter le redressement des consommations antérieures à des sommes moins importantes, car la détection du problème de compteur devrait intervenir plus rapidement. C’est ce qu’espère la Médiation pour le Groupe ENGIE pour le futur.